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Journal du front (1976)

mercredi 29 octobre 2008

Extrait du journal intime du sapeur Lacastagnette du 27ème régiment du génie (front de Champagne 1916)

(...)

3 mars 1916

Il a plu des hallebardes toute la nuit, nous les avons entassées dans un coin cela fera un excellent bois de chauffage. Le sergent a malheureusement a été violemment commotionné par une grosse hallebarde qu’il a reçue sur sommet supérieur de l’occiput. Le con sort toujours sans casque, c’est bien fait. L’ennemi se terre toujours en face, nous avons fait ce matin deux prisonniers en matière plastique et trois en platine iridié beaucoup plus résistant à la longue.

L’intendance laisse toujours à désirer. Il y a encore eu une erreur d’acheminement, à la place de caisse de petits pois nous avons reçu trois caisses de taille crayons. La digestion est de plus en plus pénible. Ah là là ! Où sont les soupes de camembert et les confitures de poireaux de maman....

Le capitaine était furieux, tout à l’heure, il a appris que l’ennemi allait encore nous donner l’assaut. Cela fait trois qu’ils nous donnent en six mois, nous ne savons plus où les mettre et en plus à chaque fois c’est une pénible lettre de remerciement, ah vivement que cette foutue guerre s’arrête enfin.

La vie des tranchées a quand même du bon, on s’y fait des amis étonnant, par exemple Houari n’Gouen Bali (d’origine auvergnate mais habitant Toulouse) il nous raconte sans arrêt des histoires à se tenir les côtes. Le pitaine n’aime pas ça il préfère de loin que l’on tienne un fusil. Maintenant de près il doit tenir les siennes aussi, un jour pendant que Houari n’Gouen Bali nous en racontait une bonne il les a malencontreusement lâchées. Ah merde ! Le spectacle... Toutes les côtes du capitaine par terre, on n’en pouvait plus de rire, même que van Vloeck (le camerounais) s’est mis à pisser tellement y riait... Ouais quand même on se marre au front ! Enfin au front, c’est vite dit, disons que c’est plutôt au creux de l’estomac.

Le seul ennui ici c’est qu’on dort mal, forcement avec tout le monde qu’il y a , on ne peut pas s’allonger pour se reposer, alors on est obligé de se coucher par couche, alors pour celui qui est dessus ça va mais alors dessous, merde alors, c’est intolérable.

Le point faible aussi c’est l’armement. On a bien les fusils, oui, mais on n’a pas les munitions qui vont avec, encore une erreur, on a reçu, à la place des cartouches, des ventouses pour déboucher les cabinets. C’est gênant parce que la portée est réduite à une dizaine de mètres. Et puis c’est ridicule, c’est beaucoup trop long à charger. Remarquez l’ennemi n’est pas mieux loti, il n’a que des cartouches ( et encore ce sont des cartouches de cigarettes) et pas de fusils ! Alors....

On commence à croire qu’on s’est foutu de nous avec cette guerre.

Pour tuer le temps on tape le carton. C’est au fond vachement dégueulasse d’avoir à taper un innocent pour essayer de tuer une espèce d’ordure. Il paraît que c’est la loi de la guerre...

Moi je renonce à comprendre.

Notre régiment qui est régiment du génie (commandé par le général Sanbouillir Ehozenzîme) est composé à 75% de couillons et de 25% d’andouilles. En principe nous sommes là pour creuser les tranchées des autres mais on en marre de faire le boulot des copains, surtout qu’une fois on s’est gouré, on a creusé celles de l’ennemi. Alors depuis on bouge plus et on s’observe (avec l’ennemi).

Foutue guerre !

Ici s’achèvent les notes du sapeur Lacastagnette, mort héroïquement le 4 mars 1916 ayant reçu un énorme paquet de cordages alors qu’il pleuvait des cordes sur le front de Champagne.

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