Le rendez vous est fixé à 17 h place de Smolensk, près de la gare. J’arrive de Limoges, il fait chaud, le ciel est tourmenté on sent que l’orage n’est pas loin...
Dans cette partie de la ville le stationnement des véhicule est interdit, l’espace est dégagé.
J’arrive dans les premiers, quelques personnes sont déjà là. Très vite, débouchant de toutes les rues avoisinantes les habitants de Tulle convergent vers le point de ralliement.
Puis arrivent par vagues successives, les enfants des écoles, la fanfare, les anciens combattants avec leurs drapeaux. Les officiels se regroupent enfin.
A l’heure dite, le cortège s’ébranle en direction de la stèle des Martyrs à quelques centaines de mètres.
Tulle commémore ses martyrs du 9 juin 1944.
Si l’épisode douloureux d’Oradour Sur Glane est présent dans l’imaginaire collectif, l’événement qui le précède d’un jour dans le sinistre calendrier de l’histoire ,la pendaison de 99 otages à Tulle, n’en n’est pas moins connue également.
J’aurai l’occasion de revenir sur cette page de l’histoire de Tulle qui constitue la clef essentielle pour la compréhension et la connaissance de cette ville.
La musique joue une marche funèbre, tous les bruits de la ville se sont arrêtés, seules parviennent quelques conversations étouffées. Aux terrasses des bistrots, les consommateurs se lèvent, au seuil des boutiques les clients se figent.
La foule se rassemble autour de la stèle des Martyrs. Le monument est modeste, presque caché au coeur du quartier où, dans la journée du 9 juin 1944, quatre vingt dix neufs hommes de Tulle raflés la veille par les SS sont pendus aux balcons de la ville.
Dépôts de gerbes, sonnerie aux morts. L’instant est poignant, dense, émouvant. L’émotion est palpable, une chape de se silence s’est abattue troublé par le seul piaillement des oiseaux. La ville de Tulle se souvient et se recueille.
Puis le cortège se reforme et une longue, une très longue procession s’étire en direction de la sortie de la ville vers le haut lieu de Cueille sur la route de Brive, là même où les cadavres des suppliciés avaient été odieusement jetés par l’occupant.
La route est longue, les voitures sont arrêtées. Le cortège passe sous les balcons ornés de sobres décorations florales.
Derrières les fenêtres aux rideaux entrouverts, les visages de vieilles dames tristes apparaissent qui regardent gravement défiler la foule.
Et le cortège s’étire... Jeunes et anciens se côtoient. Enfants dans des poussettes, vieux messieurs cravatés et lascars en tee shirt, ménagères de moins de cinquante ans et minettes. Je reconnais tel ou tel commerçant, tel fonctionnaire... toute la ville semble représentée.
Enfin nous arrivons au sanctuaire de Cueille, c’est là que les corps des suppliciés avaient été abandonnés par les allemands, suprême injure aux otages exécutés.
Un mémorial marque désormais ce qui était autrefois une décharge publique.
Nouvelle cérémonie, dépôt de gerbes, les noms des martyrs sont égrenés.
La fanfare sonne aux morts puis entonne le chant des partisans. Le moment émotion est intense, les visages des anciens se figent, les regards s’égarent dans le passé perdu de leur jeunesse. La tension est extrême, la douleur toujours présente .Le silence qui plane n’est couvert que par le grondement sourd de la Corrèze qui coule en contrebas. Les drapeaux flottent au vent.
Enfin éclate la Marseillaise, je ne peux m’empêcher de penser que là bas, au même moment, de l’autre côté des Alpes une autre Marseillaise doit retentir juste avant le coup d’envoi du match de football qui oppose la France à la Roumanie dans le cadre de l’euro de football.
Heureuse Europe qui mis à part les soubresauts des Balkans vit en paix depuis 63 ans...
La cérémonie se termine. La foule se disperse tandis qu’un nuage éclate arrosant la foule qui regagne le centre ville
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